Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/617

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ne craignit pas de traiter le Danemark plus durement encore qu’en 1801. Le bombardement de Copenhague causa une grande indignation en Europe, mais une de ces indignations passagères qu’efface le succès. Dans ce défi de la France à l’Angleterre et de l’Angleterre à la France, il est difficile de dire où étaient les torts. Le blocus continental était une réplique à la tyrannie que les Anglais exerçaient sur la navigation, mais le blocus continental lui-même, pour être complet, entraînait Napoléon à des occupations et à des annexions de plus en plus étendues, de même que ses projets sur l’Orient. Cette fatalité n’avait pas laissé de repos à la France depuis le jour où la Révolution avait voulu la guerre.

Partout le blocus continental devenait la cause des difficultés auxquelles Napoléon succomberait un jour. Il y avait un pays qui ne mettait aucun empressement à se fermer aux marchandises anglaises. C’était le Portugal. Napoléon se vit obligé d’y envoyer Junot avec une armée. En même temps il était mécontent de l’Espagne, la sentait peu sûre et n’avait pas confiance dans les Bourbons de Madrid, que d’ailleurs il méprisait. L’idée lui vint peu à peu de les chasser comme il avait déjà chassé ceux de Naples. Pour que l’alliance espagnole, qui lui était encore plus nécessaire depuis l’expédition de Junot, fût sûre et rendît ce qu’il en attendait, il lui fallait à Madrid un gouvernement tout dévoué, actif, et ce ne pouvait être qu’une émanation du sien. Un drame de famille à l’Escurial acheva de le décider. Après avoir hésité entre plusieurs partis, Napoléon choisit celui de donner à l’Espagne un de ses frères pour roi, ce qui semblait logique, puisque, régnant à la place de Louis XIV, il mettrait à Madrid un Bonaparte à la place d’un Bourbon. Il méprisait d’ailleurs les Espagnols autant que leur dynastie et les considérait comme un peuple dégénéré. Au cas où ils n’accueilleraient pas Joseph comme ils avaient reçu le duc d’Anjou, cent mille jeunes soldats français suffiraient pour tenir la péninsule ibérique dont il était indispensable de s’assurer. Au même moment, d’ailleurs, après avoir tant ménagé la papauté, l’empereur entrait en conflit avec elle. Le général Miollis occupait Rome pour fermer les États pontificaux, comme le reste de l’Europe, au commerce anglais et forcer Pie VII à devenir belligérant. Ainsi le blocus conti-