Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/644

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Villèle. Celui qui fut battu, ce fut encore moins le sultan que le ministre français, trop pacifique pour ceux, de droite et de gauche, qui confondaient, avec la cause romantique de la Grèce, celle de la gloire et de la liberté. On a pu dire que la victoire de Navarin fut chez nous celle de l’opinion publique. Elle entraîna une nouvelle orientation au-dedans et au-dehors. Navarin est d’octobre. En novembre, Villèle était battu aux élections, et les libéraux ne furent pas seuls à triompher de sa chute. On s’en réjouit aussi chez certains royalistes, et Chateaubriand, toujours partisan d’une action grandiose en Europe, accabla le ministre trop raisonnable qui voulait « retenir cette nation au sol, l’attacher en bas ».

Dès lors, on avance rapidement vers la Révolution de 1830. À la nouvelle Chambre, en majorité libérale, Charles X donne un ministère qui doit la contenter. Martignac reprenait la politique de la ligne moyenne, du juste milieu, qui avait été celle du duc de Richelieu, de Decazes et de Serre. Âprement combattu par l’extrême-droite, qui le traitait de révolutionnaire, et par la gauche, pour laquelle il n’était qu’un réactionnaire, quelques concessions qu’il lui fît, Martignac finit par s’en aller en août 1829, et l’on a pu dire de cette période que « tous les partis avaient, à des degrés diverses, commis des fautes ». Cependant l’opinion de Charles X était faite. Il s’était convaincu qu’il était impossible de gouverner avec la Chambre. Observant l’opinion publique, il y avait remarqué un retour croissant à l’esprit de gloire et de conquêtes. Son dessein fut de satisfaire ce besoin de la nation française, d’effacer les traités de 1815, de retrouver les frontières naturelles. Alors la monarchie, délivrée d’un reproche injuste mais toujours vivant, serait assez glorieuse, assez populaire pour s’imposer aux assemblées ou même pour se passer d’elles. Un grand succès à l’extérieur rendrait l’autorité au roi, écarterait le danger d’une révolution. Charles X oubliait que le traité de Westphalie n’avait pas empêché la Fronde et que la revanche du traité de Paris n’avait pas sauvé Louis XVI.

L’exécution de ce dessein, c’est à Polignac que le roi la confia. En 1829, le moment semblait propice pour un remaniement de l’Europe. Les Belges, réunis de force à la Hollande, s’insurgeaient. Nicolas Ier poursuivait ses idées de conquête en