Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/668

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déçus, et, par une réaction rapide, marcher vers le rétablissement de l’autorité.

L’Assemblée se nomma elle-même constituante. Mais, à la différence de celle de 1789, ce n’était pas en amie qu’elle traitait la gauche. En attendant qu’une constitution fût votée, elle remplaça le gouvernement provisoire par une Commission exécutive de cinq membres, une sorte de Directoire d’où les socialistes furent exclus. Lamartine et Ledru-Rollin y entrèrent seuls et avec un chiffre de voix inférieur à celui qu’obtenaient leurs trois collègues nouveaux, des modérés. Aux socialistes écartés du pouvoir, il ne restait qu’à se soumettre ou à recommencer l’émeute. Cette Assemblée s’opposait aussi bien aux réformes radicales à l’intérieur qu’à la guerre pour la délivrance des nationalités à l’extérieur. Excités par les clubs, les démocrates parisiens essayèrent de la renverser par un coup de force. Le 15 mai, l’Assemblée fut envahie au cri de : « Vive la Pologne ! » Les insurgés s’emparèrent de l’Hôtel de Ville. On crut un moment que la Révolution avait triomphé. Cette fois encore la garde nationale, restée en majorité bourgeoise, rétablit l’ordre rapidement. Cette alerte effraya l’Assemblée et le pays, accrut leur haine du socialisme, auquel la guerre fut déclarée. La droite et les modérés se rapprochèrent. Quinze jours plus tard, la majorité décidait de fermer les ateliers nationaux devenus une source de gaspillage et un foyer d’agitation. On sentait pourtant que le lendemain n’était pas sûr, qu’un conflit grave allait se produire et un gouvernement fort commençait à être désiré.

Ces circonstances servaient à merveille la cause de Louis-Napoléon Bonaparte. Pourtant, il n’y avait plus de parti bonapartiste organisé. Personnellement, l’aventurier de Strasbourg et de Boulogne était sans crédit. Il avait pour lui son nom, les souvenirs napoléoniens où se mêlaient l’ordre, l’autorité, la gloire. Peut-être avait-il surtout la faiblesse du pouvoir, qui inquiétait le pays. Encore exilé, Louis-Napoléon fut élu député à une élection partielle. Expérience concluante : son nom suffisait, c’était une caution et une garantie. Louis-Napoléon jugea plus habile de ne pas rentrer tout de suite en France, bien que l’Assemblée lui en eût rouvert les portes : elle ne croyait pas avoir le droit de s’opposer à une volonté exprimée