Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/689

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1814 et en 1815, l’ennemi en voulait surtout à l’Empire et que l’Empire renversé, la paix deviendrait facile. Ils durent s’apercevoir tout de suite que la Prusse faisait la guerre à la France. Dès le 15 septembre, Jules Favre, à Ferrières, rencontra Bismarck qui exigea l’Alsace. L’espoir qu’avaient eu les modérés s’évanouissait. La paix acceptable, la transaction honorable, qu’on s’était flatté d’obtenir après la déchéance de la dynastie napoléonienne, n’étaient pas possibles. Gambetta et les partisans de la guerre à outrance furent fortifiés par cet échec, et l’organisation de la résistance commença. De là, une autre conséquence devait sortir. D’une part, Bismarck ne voulait traiter qu’avec un gouvernement régulier et, celui de la Défense nationale ne l’étant pas, il fallait des élections pour qu’il devînt légal. D’autre part, Gambetta craignait les élections qui pouvaient être à la fois hostiles à la République et favorables à la paix. On prit donc le parti de les ajourner.

Trois jours après l’entrevue de Ferrières, les armées allemandes commençaient l’investissement de Paris. Séparée du reste de la France, pleine d’illusions sur la « sortie en masse », travaillée par les révolutionnaires, la grande ville allait être assiégée pendant quatre mois. Le gros du gouvernement était resté enfermé dans la capitale et n’avait au-dehors qu’une délégation, établie à Tours, qui persistait à réclamer la convocation immédiate des électeurs. Ce désaccord pouvait entraîner une scission. Pour la prévenir et pour diriger la résistance en province, Gambetta quitta Paris en ballon. Se trouvant seul à Tours, avec quelques collègues sans autorité, il exerça une véritable dictature et improvisa des armées, dans l’idée, renouvelée de 1793, de repousser l’envahisseur. Ces efforts devaient être vains. Depuis que la France avait perdu ses troupes régulières, la partie était trop inégale. Il n’y avait plus à sauver que l’honneur. Il le fut. Et l’on peut ajouter que la prolongation de la résistance, en obligeant les Allemands à continuer la campagne quand ils croyaient tout fini, les rendit pour un temps circonspects parce qu’elle leur donna l’idée que la France n’était pas un pays dont on venait à bout facilement.

Cependant les espérances que le gouvernement de la Défense nationale avait conçues s’écroulaient l’une après l’autre. Thiers avait été chargé d’une mission pour solliciter l’intervention de