Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/98

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de l’autorité à Favier lorsqu’il parlait de l’« aberration de notre système politique de 1756 », lorsqu’il exposait que quelles qu’eussent été les défections et les déloyautés de Fredéric, un « intérêt commun » assemblait la France et la Prusse contre les Habsbourg. Ce sont les arguments de Favier que Michelet reproduit purement et simplement dans son Histoire lorsqu’il écrit, après avoir raconté le renversement des alliances : « Dès lors l’Autriche aura l’Allemagne ». Où était l’aberration véritable, c’est ce que l’événement a montré, puisque l’Allemagne, après n’avoir été si longtemps à personne, a fini par tomber, en suite des erreurs de la Révolution, sous la domination de la Prusse.

L’école historique contemporaine, élevée avec Sorel à une irréprochable impartialité, n’a rien laissé subsister de la légende d’après laquelle les rois se seraient coalisés contre la Révolution pour rendre aux Bourbons leur autorité. « Par une « auguste comédie », la coalition avait invoqué le prétexte de la légitimité, en se désintéressant complètement du sort de Louis XVI et de Marie-Antoinette : on sait que la Convention, malgré plusieurs tentatives, ne réussit pas à obtenir l’échange de la reine. La vérité est que la coalition se servit, mollement d’ailleurs, quand ce ne fut pas maladroitement, de l’argument contre-révolutionnaire, en sorte que les républicains, après avoir proclamé la guerre aux tyrans, ne tardèrent pas à négocier avec eux. La règle des rois dans leurs rapports avec la Révolution fut celle de « l’égoïsme sacré ». C’est la pensée que traduisait l’empereur Léopold, le frère de Marie-Antoinette, lorsqu’il écrivait sans ambages : « Il ne s’agit pas de faire une guerre à la France, de prodiguer notre or et notre sang pour la remettre dans son ancien état de puissance. »

La vérité est aussi que la Révolution a cherché la guerre. C’est elle qui l’a provoquée. C’est de propos délibéré que l’Assemblée législative a déclaré la guerre à l’Autriche. Jean Jaurès, dans son Histoire socialiste, a insisté sur la responsabilité de Brissot et des Girondins et les a couverts de sa réprobation pour avoir détourné la Révolution de son cours et introduit