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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

résigner à voir dans le peuple russe, au lieu d’un allié, un adversaire possible.

Quand l’heure vient de faire une grande paix, de créer des États et de dessiner des frontières, alors d’anciens souvenirs, de vieilles lectures, le fonds de lieux communs sur lequel une génération a vécu, déterminent souvent les décisions des négociateurs. En 1919, on est parti de ce principe que des nations slaves, disposées en cercle autour des pays allemands, formeraient une barrière et un rempart. On n’abandonnait pas l’espoir de voir ces nations se rassembler, se fédérer autour du « grand conglomérat moscovite ». Ainsi l’équilibre, au lieu d’être celui des États, aurait été celui des races.

Il n’est pas impossible que l’idée de race travaille encore le vieux monde. Mais il n’est pas certain que ce soit dans le sens désiré. Il n’est pas certain que ce soit dans un sens favorable à la paix. Étendue à Prague et à Belgrade, la fraternité slave sous la direction de Moscou serait en ce moment bolchéviste. Qui peut dire ce qu’elle sera demain ? Du jour où l’idée de race a été jetée dans la circulation européenne datent les plus atroces convulsions de notre humanité. Il n’y a pas de raison pour qu’elle produise de meilleurs effets à l’avenir. Et quand même la communauté des origines et du langage parviendrait à rassembler en notre faveur quelques-uns des éléments du slavisme, il est invraisemblable qu’elle réussisse à les rassembler tous. Longtemps la Bulgarie a passé pour la senti-