Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/111

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Telle est l’éternelle histoire du pouvoir politique, depuis que ce pouvoir a été établi dans le monde. C’est ce qui explique aussi pourquoi et comment des hommes qui ont été les démocrates les plus rouges, les révoltés les plus furibonds, lorsqu’ils se sont trouvés dans la masse des gouvernés, deviennent des conservateurs excessivement modérés dès qu’ils sont montés au pouvoir. On attribue ordinairement ces palinodies à la trahison. C’est une erreur ; elles ont pour cause principale le changement de perspective et de position ; et n’oublions jamais que les positions et les nécessités qu’elles imposent sont toujours plus puissantes que la haine ou la mauvaise volonté des individus.

Pénétré de cette vérité, je ne craindrai pas d’exprimer cette conviction, que si demain on établissait un gouvernement et un conseil législatif, un parlement, exclusivement composés d’ouvriers, ces ouvriers, qui sont aujourd’hui de fermes démocrates socialistes, deviendraient après-demain des aristocrates déterminés, des adorateurs hardis ou timides du principe d’autorité, des oppresseurs et des exploiteurs. Ma conclusion est celle-ci : Il faut abolir complètement, dans le principe et dans les faits, tout |24 ce qui s’appelle pouvoir politique ; parce que tant que le pouvoir politique existera, il y aura des dominateurs et des dominés, des maîtres et des esclaves, des exploiteurs et des exploités. Le pouvoir politique une fois aboli, il faut le remplacer par l’organisation des forces productives et des services économiques.