Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/135

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C’était naturel et facile dans l’antiquité, alors que l’idée même de l’humanité était inconnue, alors que chaque peuple adorait ses dieux exclusivement nationaux et qui lui donnaient droit de vie et de mort sur toutes les autres nations. Le droit humain n’existait alors que pour les citoyens de l’État. Tout ce qui était en dehors de l’État était voué au pillage, au massacre et à l’esclavage.

Il n’en est plus ainsi aujourd’hui. L’idée de l’humanité devient de plus en plus puissante dans le monde civilisé, et même, grâce à l’extension et à la rapidité croissante des communications et grâce à l’influence encore plus matérielle que morale de la civilisation sur les peuples barbares, elle commence à pénétrer déjà dans ces derniers. Cette idée est la puissance invisible du siècle, avec laquelle les puissances du jour, les États, doivent compter. |42 Ils ne peuvent se soumettre à elle de bonne foi, parce que cette soumission de leur part équivaudrait à un suicide, le triomphe de l’humanité ne pouvant se réaliser que par la destruction des États. Mais ils ne peuvent non plus la nier, ni se révolter ouvertement contre elle, parce que, devenue trop puissante aujourd’hui, elle pourrait les tuer.

Dans cette alternative pénible, il ne leur reste qu’un parti : c’est l’hypocrisie. Ils se donnent les airs de la respecter, ils ne parlent, ils n’agissent plus qu’en son nom, et ils la violent chaque jour. Il ne faut pas leur en vouloir pour cela. Ils ne peuvent agir autrement, leur position étant devenue telle,