Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/294

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parce que ce mépris et cette haine divisent le peuple en deux grandes parties, dont chacune paralyse et annule l’autre. Entre ces deux parties, il n’y a en réalité aucun intérêt contraire, il n’y a qu’un immense et funeste malentendu, qu’il faut faire disparaître à tout prix.

Le socialisme plus éclairé, plus civilisé et par là même en partie et en quelque sorte plus bourgeois des villes, méconnaît et méprise le socialisme primitif, naturel et beaucoup plus sauvage des campagnes, et se défiant de lui, il veut toujours le contenir, l’opprimer au nom même de l’égalité et de la liberté, ce qui provoque naturellement dans le socialisme des campagnes une profonde méconnaissance du socialisme des villes, qu’il confond avec le bourgeoisisme des villes. Le paysan considère l’ouvrier comme le valet ou comme le soldat du bourgeois, et il le méprise, et il le déteste comme tel. Il le déteste au point de devenir lui-même le serviteur et le soldat aveugle de la réaction.

Tel est l’antagonisme fatal, qui a paralysé jusqu’ici tous les efforts révolutionnaires de la France et de l’Europe. Quiconque veut le triomphe de la révolution sociale, doit avant tout le résoudre. Puisque les deux parties ne sont divisées que par un mésentendu, il faut que l’une d’elles prenne l’initiative de l’explication et de la conciliation. L’initiative appartient de droit à la partie la plus éclairée, donc elle appartient de droit aux ouvriers des villes. — Les ouvriers des villes, pour arriver à une conciliation, doivent avant tout se rendre bien compte à eux-mêmes de la nature des griefs qu’ils ont contre les paysans. Quels sont |43 leurs griefs principaux ?