Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/328

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d’être des hommes vivants et puissants, pleins de cœur, d’intelligence, de passion, de colère et d’amour, ils sont devenus des bipèdes raisonneurs et dogmatiques, comme les chrétiens sous l’Empire romain. On m’observera peut-être que les chrétiens ont tout de même fini par triompher de cet Empire. Non pas les chrétiens, répondrai-je, mais les barbares, qui, libres de toute théologie et de toute dogmatique, étrangers à toute utopie, mais riches d’instincts et forts de leur puissance naturelle, ont attaqué et détruit cet Empire détestable. Quant aux chrétiens, ils ont bien triomphé, mais comment ? En devenant esclaves, car la réalisation de leur utopie s’est appelée l’Église, — l’Église officielle, l’Église de l’Empire de Byzance, l’Église catholique et romaine, sources et causes principales de toutes les stupidités, de toutes les hontes, de tous les malheurs politiques et sociaux jusqu’à nos jours.

Cela prouverait que les ouvriers, à force de raisonnements théoriques et d’infatuation dogmatique, sont devenus aveugles et stupides. Comment pourraient-ils s’imaginer, autrement, que les Prussiens, devenus une fois maîtres de Paris, des Tuileries, de Notre-Dame et du Louvre, s’arrêteront devant leur résistance à Belleville ? Les ouvriers sont nombreux, mais le nombre ne signifie rien lorsqu’il n’est point organisé. Ils ont été aussi nombreux sous le régime de Napoléon III, et pourtant il les a muselés, maltraités, massacrés, fusillés ; et beaucoup de leurs amis, les chefs du moment, ne remplissent-ils pas encore les prisons de Paris et des autres villes de France ? Pourquoi donc ces fanfaronnades, lorsque tant de faits palpitants, actuels, prouvent leur impuissance ? Et d’ailleurs les Prussiens aussi sont nombreux, et de plus ils sont aguerris, ils sont armés, ils sont disciplinés, ils sont organisés. Si on les laisse entrer à Paris, que pour-