Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/344

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tence ou de sa non-existence, la cause de l’humanité… J’ai pris part au mouvement d’hier et j’ai signé mon nom sous les résolutions du Comité du Salut de la France[1], parce qu’il est évident pour moi qu’après la destruction réelle et de fait de toute la machine administrative et gouvernementale, il n’y a plus que l’action immédiate et révolutionnaire du peuple qui puisse sauver la France… Le mouvement d’hier, s’il s’était maintenu triomphant, — et il se serait maintenu tel si le général Cluseret n’avait point trahi la cause du peuple, — en remplaçant la municipalité lyonnaise, à moitié réactionnaire et à moitié incapable, par un comité révolutionnaire émanant directement de la volonté du peuple, ce mouvement aurait pu sauver Lyon et la France… Je quitte Lyon, cher ami, le cœur plein de tristesse et de prévisions sombres. Je commence à penser maintenant que c’en est fait de la France. Elle deviendra une vice-royauté de l’Allemagne. À la place de son socialisme vivant et réel, nous aurons le socialisme doctrinaire des Allemands, qui ne diront que ce que les baïonnettes prussiennes leur permettront de dire. L’intelligence bureaucratique et militaire de la Prusse unie au knout du tsar de Saint-Pétersbourg[2] vont assurer la tranquillité et l’ordre public, au moins pour cinquante ans, sur tout le continent de l’Europe. Adieu la liberté, adieu le socialisme, la justice pour le peuple et le triomphe de l’humanité. Tout cela pouvait sortir du désastre actuel de la France. Tout cela en devait sortir, si le peuple de France, si le peuple de Lyon l’avait voulu.

  1. Il veut parler de l’affiche rouge du 26 septembre.
  2. On voit déjà exprimée, dans cette phrase, l’idée que résumera, quelques mois plus tard, le titre L’Empire knouto-germanique.