Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/461

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|84 |73 Comment ! Ils ont tué la République et fait monter le digne empereur sur le trône, par les moyens que l’on sait. Pendant vingt ans de suite, ils ont été les instruments très intéressés et très volontaires des plus cyniques violations de tous les droits et de toutes les légitimités possibles ; |85 ils ont systématiquement corrompu, empoisonné et désorganisé la

    mot, évidemment appelé à gouverner le monde. Pendant les premiers jours qui suivirent le coup d’État, il y eut quelque chose comme une brouille légère entre l’auguste souverain et l’auguste journaliste. Mais ce ne fut autre chose qu’une bouderie d’amants, non une dissidence de principes. M. Émile de Girardin ne se crut point suffisamment récompensé. Il aime, sans doute, beaucoup l’argent, mais il lui faut aussi des honneurs, une participation au pouvoir. Voilà ce que Napoléon III, malgré toute sa bonne volonté, ne put jamais lui accorder. Il y eut toujours près de lui quelque Morny, quelque Fleury, quelque Billault, quelque Rouher, qui l’en empêchèrent. De sorte que ce ne fut seulement que vers la fin de son règne qu’il put conférer à M. Émile de Girardin la dignité de sénateur de l’empire. Si Émile Ollivier, l’ami de cœur, l’enfant adoptif et en quelque sorte la créature de M. Émile de Girardin, |73 n’était pas tombé si tôt, nous aurions vu, sans doute, le grand journaliste ministre. M. Émile de Girardin fut un des principaux auteurs du ministère Ollivier. Dès lors son influence politique s’accrut. Il fut l’inspirateur et le conseiller persévérant des deux derniers actes politiques de l’empereur qui ont perdu la France : le plébiscite et la guerre. Adorateur désormais agréé de Napoléon III, ami du général Prim en Espagne, père spirituel d’Émile Ollivier, et sénateur de l’empire, M. Émile de Girardin se sentit trop grand homme à la fin pour continuer son journalisme. Il abandonna la rédaction de la Liberté |86 à son neveu et disciple, au propagateur fidèle de ses idées, M. Détroyat ; et comme une jeune fille qui se prépare pour sa première communion, il se renferma lui-même dans un recueillement méditatif, afin de recevoir avec toute la dignité convenable ce pouvoir si longtemps convoité, et qui allait enfin tomber dans ses mains. Quelle désillusion amère ! Abandonné cette fois par son instinct ordinaire, M. Émile de Girardin n’avait point senti que l’empire croulait, et que c’étaient précisément