Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/486

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faits historiques irrécusables que l’action diplomatique de la Russie sur l’Allemagne, et il n’y en a ja-

    dévora une bonne moitié, laissant l’autre moitié au tsarat moscovite, à cet Empire de toutes les Russies dont elle est devenue par là même la voisine immédiate. Et maintenant, elle se plaint de ce voisinage ! C’est ridicule.
    La Russie également aurait gagné beaucoup, si, au lieu de l’Allemagne, elle avait pour voisine, à l’occident, la France ; et au lieu de la Chine, à l’orient, l’Amérique du Nord. Mais les socialistes révolutionnaires, ou, comme on commence à les appeler en Allemagne, les anarchistes russes, sont trop jaloux de la dignité de leur peuple pour rejeter toute la faute de son esclavage sur les Allemands ou sur les Chinois. Et pourtant, avec bien plus de raison, ils auraient eu le droit historique de la rejeter aussi bien sur les uns que sur les autres. Car enfin, il est certain que les hordes mongoles qui ont conquis la Russie sont venues de la frontière de la Chine. Il est certain que, pendant plus de deux siècles, elles l’ont tenue asservie sous leur joug. Deux siècles de joug barbare, quelle éducation ! Fort heureusement, cette éducation ne pénétra jamais dans le peuple russe proprement dit, dans la masse des paysans, qui continuèrent de vivre sous leur loi coutumière communale, ignorant et détestant toute autre politique et jurisprudence, comme ils le font encore à présent. Mais elle déprava complètement la noblesse et en grande partie aussi le clergé |104 russes, et ces deux classes privilégiées, également brutales, également serviles, peuvent être considérées comme les vraies fondatrices de l’Empire moscovite. Il est certain que cet empire fut principalement fondé sur l’asservissement du peuple, et que le peuple russe, qui n’a point reçu en partage cette vertu de résignation dont paraît être doué à un si haut degré le peuple allemand, n’a jamais cessé de détester cet empire, ni de se révolter contre lui. Il a été et il reste encore aujourd’hui le seul vrai socialiste révolutionnaire en Russie. Ses révoltes ou plutôt ses révolutions (en |91 1612, en 1667, en 1771) ont souvent menacé l’existence même de l’Empire moscovite, et j’ai la ferme conviction que, sans trop tarder, une nouvelle révolution socialiste populaire, cette fois triomphante, le renversera tout à fait. Il est certain que si les tsars de Moscou, devenus plus tard les empereurs de Saint-Pétersbourg, ont triomphé jusqu’ici de cette opiniâtre et violente résistance populaire, ce n’est que grâce à la science politique, administrative, bureaucratique et militaire que nous ont apportée les Allemands, qui,