Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/138

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Pour établir sur les ruines de leurs autels si nombreux l’autel d’un Dieu unique et suprême, maître du monde, il a fallu donc que fût détruite d’abord l’existence autonomique des différentes nations qui composaient le monde païen ou antique. C’est ce que tirent très brutalement les Romains, qui, en conquérant la plus grande partie du monde connu des anciens, créèrent en quelque sorte la première ébauche, sans doute tout à fait négative et grossière, de l’humanité.

Un Dieu qui s’élevait ainsi au-dessus de toutes les différences nationales, tant matérielles que sociales, |231 de tous les pays, qui en était en quelque sorte la négation directe, devait être nécessairement un être immatériel et abstrait. Mais la foi si difficile en l’existence d’un Être pareil n’a pu naître d’un seul coup. Aussi, comme je l’ai montré dans l’Appendice, fut-elle longuement préparée et développée par la métaphysique grecque, qui établit la première, d’une manière philosophique, la notion de l’Idée divine, modèle éternellement créateur et toujours reproduit parle monde visible. Mais la Divinité conçue et créée par la philosophie grecque était une divinité impersonnelle, aucune métaphysique, lorsqu’elle est conséquente et sérieuse, ne pouvant s’élever, ou plutôt s’abaisser, à l’idée d’un Dieu personnel. Il a fallu donc trouver un Dieu qui fût unique et qui fût très personnel à la fois. Il se trouva dans la personne très brutale, très égoïste, très cruelle de Jéhovah, le Dieu national des Juifs. Mais les Juifs,