Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/140

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velles, il faut un fait vivant, spontané, sans lequel ils auraient pu rester bien des siècles encore à l’état d’éléments, sans rien produire. Ce fait ne manqua pas au christianisme : ce fut la propagande, le martyre et la mort de Jésus-Christ.

Nous ne savons presque rien de ce grand et saint personnage ; tout ce que les Évangiles nous en rapportent étant si contradictoire et si fabuleux, qu’à peine pouvons-nous y saisir quelques traits réels et vivants. Ce qui est certain, c’est qu’il fut le prêcheur du pauvre peuple, l’ami, le consolateur des misérables, des ignorants, des esclaves et des femmes, et qu’il fut beaucoup aimé par ces dernières. Il promit à tous ceux qui étaient opprimés, à tous ceux qui souffraient ici-bas, — et le nombre en est immense, — la vie éternelle. Il fut, comme de raison, pendu par les représentants de la morale officielle et de l’ordre public de l’époque. Ses disciples, et les disciples de ses disciples, purent se répandre, grâce à la conquête des Romains qui avait détruit les barrières nationales, et portèrent en effet la propagande |233 de l’Évangile dans tous les pays connus des anciens. Partout ils furent reçus à bras ouverts par les esclaves et les femmes, les deux classes les plus opprimées, les plus souffrantes et naturellement aussi les plus ignorantes du monde antique. S’ils firent quelques prosélytes dans le monde privilégié et lettré, ils ne le durent encore, en très grande partie, qu’à l’influence des femmes. Leur propagande la plus large s’exerça presque exclusivement dans le peuple, aussi malheu-