Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/226

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moi-même mon travail à quelque autre capitaliste, comme ils me l’offrent à moi.

Si, profitant de la puissance d’initiative que me donne mon capital, je demande à ces cent travailleurs de venir le féconder par leur travail, ce n’est pas du tout par sympathie |95 pour leurs souffrances, ni par esprit de justice, ni par amour de l’humanité. Les capitalistes ne sont pas philanthropes, ils se ruineraient à ce métier. C’est parce que j’espère pouvoir tirer de leur travail un gain suffisant pour pouvoir vivre convenablement, richement, et grossir mon cher capital en même temps, sans avoir besoin de travailler. Ou bien je travaillerai aussi, mais autrement que mes ouvriers. Mon travail sera de tout autre nature, et il sera infiniment mieux rétribué que le leur. Ce sera un travail d’administration et d’exploitation, non de production.

Mais le travail d’administration n’est-il pas un travail productif ? Sans doute, il l’est, car, sans une bonne et intelligente administration, le travail manuel ne produirait rien, ou produirait peu et mal. Mais, au point de vue de la justice et de l’utilité de la production elle-même, il n’est pas du tout nécessaire que ce travail soit monopolisé en mes mains, et surtout qu’il soit rétribué davantage que le travail manuel. Les associations coopératives ont prouvé que les ouvriers savent et peuvent administrer fort bien des entreprises industrielles, par des ouvriers qu’ils élisent dans leur sein et qui reçoivent la même rétribution que les autres. Donc, si je concentre le