Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/269

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s’élève jamais au-dessus des représentations matérielles, ou, tout au plus, au-dessus d’une toute première comparaison et combinaison de ces représentations entre elles, de même leur langage, dénué d’organisation et incapable de développement, |123 n’exprime que des sensations ou des notions matérielles, jamais des idées. Je puis donc dire, sans crainte d’être réfuté, que, de tous les animaux de cette terre, l’homme seul pense et parle.

Seul il est doué de cette puissance d’abstraction qui — sans doute fortifiée et développée dans l’espèce humaine par le travail des siècles, en l’élevant successivement en lui-même, c’est-à-dire dans sa pensée et seulement par l’action abstractive de sa pensée, au-dessus de tous les |124 objets qui l’environnent et même au-dessus de lui-même en tant qu’individu et espèce — lui permet de concevoir ou de créer l’idée de la Totalité des êtres, de l’Univers et de l’Infini absolu : idée complètement abstraite, vide de tout contenu et, comme telle, identique au Néant, sans doute, mais qui tout de même s’est montrée toute-puissante dans le développement historique de l’homme, parce qu’ayant été une des causes principales de toutes ses conquêtes et en même temps de |125 toutes ses divagations, de ses malheurs et de ses crimes postérieurs, elle l’a arraché aux prétendues béatitudes du paradis animal, pour le jeter dans les triomphes et dans les tourments infinis d’un développement sans bornes.

Grâce à cette puissance d’abstraction, l’homme, en