Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/310

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l’un et de l’autre, au néant. Pour que l’existence de la matière soit possible, il faut qu’elle soit, — elle qui est l’Être par excellence, l’Être unique, en un mot tout ce qui est, — il faut, dis-je, qu’elle soit la base unique de toute chose existante, le fondement de l’esprit. Et pour que l’esprit puisse avoir une consistance réelle, il faut qu’il procède de la matière, qu’il en soit une manifestation, le fonctionnement, le produit. L’esprit pur, comme je m’en vais le démontrer plus tard, n’est autre chose que l’abstraction absolue, le Néant.

Mais du moment que l’esprit est le produit de la matière, comment peut-il modifier la matière ? Puisque l’esprit humain n’est autre chose que le fonctionnement de l’organisme humain et que cet organisme est le produit tout à fait matériel de cet ensemble indéfini d’effets et de causes, de cette causalité universelle que nous appelons la nature, où prend-il la puissance nécessaire pour transformer la nature ? Entendons-nous bien : l’homme ne peut arrêter ni changer ce courant universel des effets et des causes ; il est incapable de modifier aucune loi de la nature, puisqu’il n’existe lui-même et qu’il n’agit, soit consciemment, soit inconsciemment, qu’en vertu de ces lois. Voici un ouragan qui souffle et qui brise tout sur son passage, poussé par une force qui lui semble inhérente. S’il avait pu avoir conscience de lui-même, il aurait pu dire : « C’est moi qui, par mon action de ma volonté spontanée, brise ce que la |159 nature a créé » ; et il serait dans