Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/334

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son monde extérieur de fantômes qui lui paraissent plus dangereux, plus puissants, plus terribles que les êtres réels qui l’entourent ; elle ne délivre l’homme de l’esclavage naturel qui l’obsède que pour le rejeter aussitôt sous le poids d’un esclavage mille fois plus dur et plus effrayant encore, — sous celui de la religion.

C’est la réflexion imaginative de l’homme qui transforme le culte naturel, dont nous avons retrouvé les éléments et les traces chez tous les animaux, en un culte humain, sous la forme élémentaire du fétichisme. Nous avons vu les animaux adorant instinctivement les grands phénomènes de la nature qui réellement exercent sur leur existence une action immédiate et puissante ; mais nous n’avons jamais entendu parler d’animaux qui adorent un inoffensif morceau de bois, un torchon, un os ou une pierre, tandis que nous retrouvons ce culte dans la religion primitive des sauvages et jusque dans le catholicisme. Comment expliquer cette anomalie — en apparence du moins — si étrange, et qui, sous le rapport du bon sens et du sentiment de la réalité des choses, nous présente l’homme |179 comme bien inférieur aux plus modestes animaux ?

Cette absurdité est le produit de la réflexion imaginative de l’homme sauvage. Il ne sent pas seulement, comme les autres animaux, la toute-puissance de la nature, il en fait l’objet de sa constante réflexion, il la fixe, il cherche à la localiser, et, en même temps,