Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/343

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rains, mais encore de toutes les générations passées. Mais elle n’admet aucun témoignage sans critique. Avant d’accepter le témoignage soit d’un contemporain, soit d’un homme qui n’est plus, pour peu que je tienne à ne point être trompé, je dois m’enquérir d’abord du caractère et de la nature aussi bien que de l’état de l’esprit de cet homme, de sa méthode. Je dois m’assurer avant tout que cet homme est ou était un homme honnête, détestant le mensonge, cherchant la vérité avec bonne foi, avec zèle ; qu’il n’était ni fantaisiste, ni poète, ni métaphysicien, ni théologien, ni juriste, ni ce qu’on appelle homme |185 politique et comme tel intéressé dans les mensonges politiques, et qu’il était considéré comme tel[1] par la grande majorité de ses contemporains. Il est des hommes, par exemple, qui sont très intelligents, très éclairés, libres de tout préjugé et de toute préoccupation fantaisiste, qui ont en un mot l’esprit réaliste, mais qui, trop paresseux pour se donner la peine de constater l’existence et la nature réelle des faits, les supposent, les inventent. C’est ainsi qu’on fait la statistique en Russie. Le témoignage de ces hommes, naturellement, ne vaut rien. Il en est d’autres, très intelligents aussi et de plus trop honnêtes pour mentir et pour assurer des choses dont ils ne sont pas sûrs, mais dont l’esprit se trouve sous le joug soit de la métaphysique, soit de la religion, soit

  1. C’est-à-dire comme n’étant ni homme politique, ni théologien, etc., et comme étant honnête et cherchant la vérité. — J. G.