Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/51

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tière, leur matière à eux, dépouillée par eux-mêmes de tout ce qui en constitue la nature réelle, représente nécessairement le suprême Néant. Ils ont enlevé à la matière l’intelligence, la vie, toutes les qualités déterminantes, les rapports actifs ou les forces, le mouvement même, sans lequel la matière ne serait pas même pesante, ne lui laissant rien que l’impénétrabilité et l’immobilité absolue dans l’espace ; ils ont attribué toutes ces forces, propriétés et manifestations naturelles, à l’Être imaginaire créé par leur fantaisie abstractive ; puis, intervertissant les rôles, ils ont appelé ce produit de leur imagination, ce Fantôme, ce Dieu qui est le Néant : « l’Être suprême » ; et, par une conséquence nécessaire, ils ont déclaré que l’Être réel, la matière, le monde, était le Néant. Après quoi ils viennent nous dire gravement que cette matière est incapable de rien produire, ni même de se mettre en mouvement par elle-même, et que par conséquent elle a dû être créée par leur Dieu.

[1] Dans l’Appendice qui se trouve à la fin de ce livre, j’ai mis à nu les absurdités vraiment révoltantes auxquelles on est fatalement amené par cette imagination d’un Dieu, soit personnel, créateur et ordonnateur des mondes ; soit même impersonnel, et considéré comme une sorte d’âme divine répandue dans tout l’univers, dont elle constituerait ainsi le principe éternel ; ou bien comme l’idée infinie et

  1. Cet alinéa a été supprimé par les éditeurs de Dieu et l’État. — J. G.