Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/53

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soit sévèrement confirmé par l’expérience ou par l’observation des choses ou des faits, constitue la seule base sérieuse des connaissances humaines.

Au lieu de suivre la voie naturelle de bas en haut, de l’inférieur au supérieur, et du relativement simple au plus compliqué ; au lieu d’accompagner sagement, rationnellement, le mouvement progressif et réel du monde appelé inorganique au monde organique, végétal, et puis animal, et puis spécialement humain ; de la matière chimique ou de l’être chimique à la matière vivante ou à l’être vivant, et de l’être vivant à l’être pensant, les penseurs idéalistes, obsédés, aveuglés et poussés par le fantôme divin qu’ils ont hérité de la |156 théologie, prennent la voie absolument contraire. Ils vont de haut en bas, du supérieur à l’inférieur, du compliqué au simple. Ils commencent par Dieu, soit comme personne, soit comme substance ou idée divine, et le premier pas qu’ils font est une terrible dégringolade des hauteurs sublimes de l’éternel idéal dans la fange du monde matériel ; de la perfection absolue dans l’imperfection absolue ; de la pensée à l’Être, ou plutôt de l’Être suprême dans le Néant. Quand, comment et pourquoi l’Être divin, éternel, infini, le Parfait absolu, probablement ennuyé de lui-même, s’est-il décidé à ce salto mortale[1] désespéré, voilà ce qu’aucun idéaliste, ni théologien, ni métaphysicien, ni poète n’a jamais su ni comprendre lui-même, ni expliquer aux

  1. « Saut périlleux » (en italien). — J. G.