Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/211

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avocats des intérêts exclusivement bourgeois, et, à ce point de vue, vous avez mille fois raison, Messieurs, de vous extasier devant le suffrage universel, qui, tant que la révolution sociale n’aura point établi les bases d’une égalité et d’une liberté réelles pour tous, sera certainement l’instrument le plus efficace de la démocratie bourgeoise, le meilleur moyen de tromper le peuple, de l’endormir et de le dominer tout en se donnant l’air de ne vouloir |95 qu’une seule chose : le servir ; le meilleur moyen pour assurer, au nom même de la liberté, cette prospérité des bourgeois, qui se fonde sur l’esclavage économique et social des masses populaires.

Est-ce à dire que nous, socialistes révolutionnaires, nous ne voulions pas du suffrage universel, et que nous lui préférions soit le suffrage restreint, soit le despotisme d’un seul ? Point du tout. Ce que nous affirmons, c’est que le suffrage universel, considéré à lui seul et agissant dans une société fondée sur l’inégalité économique et sociale, ne sera jamais pour le peuple qu’un leurre ; que, de la part des démocrates bourgeois, il ne sera jamais rien qu’un odieux mensonge, l’instrument le plus sûr pour consolider, avec une apparence de libéralisme et de justice, au détriment des intérêts et de la liberté populaires, l’éternelle domination des classes exploitantes et possédantes.

Nous nions par conséquent que le suffrage universel soit même un instrument dont le peuple puisse se servir pour conquérir la justice ou l’éga-