Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/216

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Mais, tout en continuant d’obéir, elles détestent aujourd’hui tout pouvoir, sachant fort bien, et par expérience et d’instinct, que tout pouvoir, — quelle que soit la forme qu’il se donne, et alors même qu’il procéderait de cette cérémonie illusoirement populaire qu’on appelle le suffrage universel, — par la nature même de sa position dominante vis-à-vis des masses populaires, ne pourra avoir d’autre volonté, d’autre but que de les exploiter.

C’est pour cela qu’on entend souvent le peuple exprimer une profonde défiance par rapport aux défenseurs les plus zélés de ses droits. « Ils parlent ainsi — dit-il — parce qu’ils ne sont pas encore au pouvoir. Mais qu’ils y entrent, et ils parleront autrement. » Le peuple a raison, c’est l’histoire éternelle de tous les convoiteurs du pouvoir, et cette histoire se répète chaque jour, avec une monotonie singulière. N’avons-nous pas vu M. John Bright, le célèbre agitateur du peuple anglais, déclarer, dans une lettre adressée à un de ses électeurs, bientôt après son entrée dans le ministère Gladstone, « que ses électeurs ne devaient aucunement s’étonner de son changement d’opinion et de langage. Qu’autre chose était de penser, de sentir, de vouloir et de parler comme membre de l’opposition, et autre chose de penser, de parler et d’agir comme ministre. » Le même aveu naïf vient d’être fait, il n’y a pas bien longtemps, par un démocrate socialiste très sincère, voire même |100 un membre de l’Association internationale des travailleurs, devenu, par la