Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/302

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aucun doute. Depuis plusieurs années, je m’étais livré avec une sorte de volupté amère et cruelle à l’étude spéciale de cette impuissance intellectuelle et morale étonnante de la bourgeoisie actuelle. Et quand je parle de la bourgeoisie, je comprends également sous cette dénomination toute la classe nobiliaire, qui, ayant perdu sur tout le continent de l’Europe, et en grande partie en Angleterre même, tous les traits distinctifs qui en avaient fait jadis une classe politiquement et socialement distincte, s’est complètement embourgeoisée aujourd’hui, sous la pression irrésistible du mouvement capitaliste actuel. Je comprends aussi sous ce mot la masse innombrable des grands et des petits fonctionnaires militaires, civils, judiciaires, religieux, scolaires et policiers de l’État, moins les simples soldats, qui, sans être eux-mêmes des bourgeois, sont pourtant |4 la providence visible, l’unique raison d’être[1] et comme les archanges forcés de la bourgeoisie et de l’État, les soutiens uniques et indispensables de ce que les bourgeois appellent leur civilisation aujourd’hui.

J’appelle donc bourgeois tout ce qui n’est point travailleur des fabriques, des ateliers ou de la terre ; et peuple toute la masse des ouvriers proprement dits, aussi bien que des paysans qui cultivent soit leur terre propre, soit la terre d’autrui, de leurs bras. Moi qui écris, je suis malheureusement un bour-

  1. « Raison d’être » signifie ici : ce qui permet à une chose de continuer à exister. — J. G.