Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

servile à la cour de ses rois, avait encore conservé jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, et à l’heure même où la Révolution bourgeoise lui portait un coup mortel, un reste d’idéalisme, de foi, d’enthousiasme. À défaut de son cœur, son imagination restait ouverte aux aspirations généreuses. N’avait-elle pas salué, protégé, répandu les idées humanitaires du siècle ? N’avait-elle pas envoyé ses plus nobles enfants en Amérique pour y soutenir les armes à la main la cause de la liberté contre le despotisme ? La nuit du 4 août fut en partie l’expression de cet esprit chevaleresque qui fit d’elle en quelque sorte l’instrument, d’ailleurs presque toujours inconscient, de sa propre destruction.

Il est vrai que les événements y furent aussi pour beaucoup. Si les paysans n’avaient point attaqué les châteaux, détruit les colombiers et brûlé les parchemins nobiliaires, ces chartes de la servitude rurale, il n’est point sûr du tout que les représentants de la noblesse dans l’Assemblée nationale se fussent si gracieusement exécutés. Il est également vrai que la noblesse émigrée, revenue en France avec les Bourbons en 1814, se montra animée de dispositions rien moins que généreuses et chevaleresques. Elle commença par |7 se faire payer un milliard d’indemnité, et elle manifesta, dans le partage de cette indemnité, un esprit de mensonge et de cupidité qui prouva qu’elle n’avait hérité d’aucune des qualités réelles ou supposées de ses pères, et n’avait plus que la convoitise rapace et la vanité fanfaronne et sénile.