Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/468

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question ainsi posée, tout homme consciencieux, raisonnable, et qui a la moindre idée de la manière dont la conscience populaire se développe, ne peut donner qu’une réponse négative. Et en effet, aucune propagande n’a jamais donné à un peuple le fond de ses aspirations |38 et de ses idées, ce fond ayant toujours été le produit du développement spontané études conditions réelles de sa vie. Que peut donc faire la propagande ? En apportant une expression générale plus juste, une forme heureuse et nouvelle aux instincts propres du prolétariat, elle peut quelquefois en faciliter et en précipiter le développement, surtout au point de vue de leur transformation en conscience et en volonté réfléchie des masses elles-mêmes. Elle peut leur donner la conscience de ce qu’elles ont, de ce qu’elles sentent, de ce qu’elles veulent déjà instinctivement, mais jamais elle ne pourra leur donner ce qu’elles n’ont pas, ni éveiller en leur sein des passions qui de par leur propre histoire leur sont étrangères.

Maintenant, pour décider cette question, si au moyen de la propagande on peut donner la conscience politique à un peuple qui ne l’a jamais eue jusque-là, examinons ce qui constitue réellement dans les masses populaires cette conscience. Je dis expressément dans les masses populaires, car nous savons fort bien que dans les classes plus ou moins privilégiées, cette conscience n’est pas autre chose que celle du droit conquis, assuré et réglé d’exploiter le travail des masses et de les gouverner en vue