Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/492

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qu’elle puisse connaître, prévoir les besoins, ni satisfaire, avec une égale justice, aux intérêts les plus légitimes, les plus pressants de tout le monde. Il y aura toujours des mécontents, parce qu’il y aura toujours des sacrifiés.

D’ailleurs l’État, comme l’Église, par sa nature même, est un grand sacrificateur d’hommes vivants. C’est un être arbitraire, au sein duquel tous les intérêts positifs, vivants, tant individuels que locaux, des populations viennent se rencontrer, se heurter, s’entre-détruire, s’absorber dans cette abstraction qu’on appelle l’intérêt commun, le bien public, le salut public, et où toutes les volontés réelles s’annulent dans cette autre abstraction qui porte le nom de volonté du peuple. Il résulte de là que cette soi-disant volonté du peuple n’est jamais autre chose que le sacrifice et la négation de toutes les volontés réelles des populations ; aussi bien que ce soi-disant bien public n’est rien que le sacrifice de leurs intérêts. Mais pour que cette abstraction omnivore puisse s’imposer à des millions d’hommes, il faut qu’elle soit représentée et soutenue par un être réel, par une force vivante quelconques. Eh bien, cet être, cette force ont toujours existé. Dans l’Église, ils s’appellent le clergé, et dans l’État la classe dominante ou gouvernante.

Dans l’État populaire de M. Marx, nous dit-on, il n’y aura point de classe privilégiée. Tous seront égaux, non seulement au point de vue juridique et politique, mais au point de vue économique.