Page:Baltard, Callet - Les Halles centrales de Paris.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
LES HALLES CENTRALES

bois pour abriter les marchands. Enfin, la Restauration marquait à son tour son passage aux Halles centrales par trois nouvelles constructions : le marché à la viande, entre les rues du Four, des Deux-Écus et des Prouvaires (1818), le marché au beurre (1822), dont le lourd bâtiment s’étendait en trapèze entre la rue de la Cossonnerie, la rue des Prêcheurs et la Halle aux poissons (1822) qui occupait remplacement de l’ancien pilori, dit Carreau de la Halle.

Telles étaient encore les Halles en 1848, et ceux qui les ont vues à cette époque se rappelleront longtemps ce fouillis de constructions hybrides, entassées, pressées pêle-mêle, cette agglomération informe de maisons irrégulières, de galeries à piliers, d’abris mal ordonnés, séparés par des rues étroites, des carrefours, des impasses, où les denrées s’étalaient à tout hasard, soit en boutique, soit en plein vent, soit même sur le pavé des rues. Puis, pour parvenir à ce dédale, pour le rendre plus inabordable et plus embarrassé encore, des rues sombres et allongées, où deux voitures de front passaient à peine : la rue de la Fromagerie, la rue du Marché-aux-Prouvaires, la rue de la Réale, la rue du Plat-d’Étain et tant d’autres ! Certes, c’était là un tableau saisissant, beau de désordre et de pêle-mêle ; le spectacle devait être unique, et plus d’une fois le poète et le philosophe ont pu y aller étudier des étrangetés de mœurs que notre époque ne connaîtra plus : le peintre y retrouvait une image du chaos, quelque chose des kermesses flamandes, du pandémonium de Milton ; les lourdes charrettes allaient et venaient, heurtant à chaque borne cet incroyable ramassis de bâtisses ; on ne voyait que marchands, chalands et portefaix, peuple bruyant, remuant, affairé ; tout cela se poussant, s’esquivant, et, pour couvrir le tout, les cris des boutiquiers, les clameurs du marché, les aboiements des chiens. C’est dans une promenade à la Halle, un matin, alors que la rumeur s’élève sonore et discordante, houleuse et babillarde, que notre grand compositeur Auber trouva, dit-on, une de ses inspirations les plus originales : ce chœur du marché, qui devait figurer un jour comme une belle page dans un de ses plus beaux opéras, la Muette de Portici.