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L’HOMME DE COUR

CLXVII

Se savoir aider.

Dans les rencontres fâcheuses, il n’y a point de meilleure compagnie qu’un grand cœur ; et s’il vient à s’affaiblir, il doit être secouru des parties qui l’environnent. Les déplaisirs sont moindres pour ceux qui savent s’assister. Ne te rends point à la fortune, car elle t’en deviendrait plus insupportable. Quelques-uns s’aident si peu dans leurs peines, qu’ils les augmentent faute de les savoir porter avec courage. Celui qui se connaît bien trouve du secours à sa faiblesse dans la réflexion. L’homme de jugement sort de tout avec avantage, fût-ce du milieu des étoiles.

CLXVIII

Ne point donner dans le monstrueux.

Tous les éventés, les présomptueux, les opiniâtres, les capricieux, les entêtés d’eux-mêmes, les extravagants, les patelins, les bouffons, les nouvellistes, les auteurs de paradoxes, les sectaires, et enfin toutes sortes d’hommes déréglés, tous ces gens-là, dis-je, sont autant de monstres d’impertinence. Toute laideur de l’âme est toujours plus monstrueuse que pas une difformité du corps, d’autant qu’elle déshonore davantage la beauté de son original. Mais qui corrigera un si grand et si général excès ? Où la raison manque, la direction n’a rien à faire, attendu que ce qui devait être cause d’une réflexion sérieuse sur ce qui