Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/124

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QUINOLA, au capitaine.

Voilà donc comment vous respectez le droit des gens ! Écoutez, Monseigneur, vous êtes bien haut, je suis bien bas, avec deux mots, nous allons nous trouver de plain-pied.

LE CAPITAINE.

Tu es un drôle très-drole.

QUINOLA, le prend à part.

N’êtes-vous pas le cousin de la marquise de Mondéjar !

LE CAPITAINE.

Après ?

QUINOLA.

Quoiqu’en très-grande faveur, elle est sur le point de rouler dans un abîme… sans sa tête.

LE CAPITAINE.

Tous ces gens-là font des romans !… Écoute ; tu es le vingt-deuxième, et nous sommes au dix du mois, qui tente de s’introduire ainsi près de la favorite, pour lui soutirer quelques pistoles. Détale… ou sinon…

QUINOLA.

Monseigneur, il vaut mieux parler à tort vingt-deux fois à vingt-deux pauvres diables, que de manquer à entendre celui qui vous est envoyé par votre bon ange ; et vous voyez, qu’à peu de chose près (Il ouvre son manteau), j’en ai le costume.

LE CAPITAINE.

Finissons, quelle preuve donnes-tu de ta mission? 7

QUINOLA, lui tend une lettre.

Ce petit mot, remettez-le vous-même pour que ce secret demeure entre nous, et faites-moi pendre si vous ne voyez la marquise tomber en pâmoison à cette lecture. Croyez que je professe, avec l’immense majorité des Espagnols, une aversion radicale pour… la potence.

LE CAPITAINE.

Et si quelque femme ambitieuse t’avait payé ta vie pour avoir celle d’une autre ?

QUINOLA.

Serais-je en guenilles? Ma vie vaut celle de César. Tenez, Monseigneur (Il décachète la lettre, la sent, la replie, et la lui rend), êtes-vous content ?

LE CAPITAINE.

J’ai le temps encore. (À Quinola.) Reste là, j’y vais.