Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/156

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quand nous nous sommes sentis séparés par la fortune, elle m’a vu concevant l’entreprise hardie de combler cette distance à force de gloire. Je suis allé pour elle en Italie, étudier avec Galilée. Elle a, la première, applaudi à mon œuvre, elle l’a comprise ! elle a épousé ma pensée avant de m’épouser moi-même ; elle est ainsi devenue pour moi le monde entier : comprenez-vous maintenant combien je l’idolâtre ?

LOTHUNDIAZ.

Et c’est justement pour cela que je ne te la donne pas ! Dans dix ans, elle serait abandonnée pour quelque autre découverte à faire…

MARIE.

Quitte-t-on, mon père, un amour qui a fait faire de tels prodiges ?

LOTHUNDIAZ.

Oui, quand il n’en fait plus.

MARIE.

S’il devient duc, grand d’Espagne et riche ?…

LOTHUNDIAZ.

Si ! si ! si !… Me prends-tu pour un imbécile ? Les si sont les chevaux qui mènent à l’hôpital tous ces prétendus découvreurs de mondes.

FONTANARÈS.

Mais voici les lettres par lesquelles le roi me donne un vaisseau.

QUINOLA.

Ouvrez donc les yeux ! Mon maître est à la fois homme de génie et joli garçon ; le génie vous offusque et ne vaut rien en ménage, d’accord ; mais il reste le joli garçon que faut-il de plus à une fille pour être heureuse ?…

LOTHUNDIAZ.

Le bonheur n’est pas dans ces extrêmes. Joli garçon et homme de génie, voilà deux raisons pour dépenser les trésors du Mexique. Ma fille sera madame Sarpi.


Scène XIII.

les mêmes, SARPI sur le balcon.
SARPI, à part.

On a prononcé mon nom. Que vois-je ? l’héritière et son père, à cette heure, sur la place !