Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/30

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SAINT-CHARLES.

Pardon, monsieur le duc ; mais, sans les passions, nous ne pourrions pas savoir grand’chose. Monsieur le duc serait-il assez bon pour me dire si ce jeune homme aime sincèrement mademoiselle de Christoval ?

LE DUC.

Une princesse ! une héritière ! Vous m’inquiétez, mon cher.

SAINT-CHARLES.

Monsieur le duc ne m’a-t-il pas dit que c’était un jeune homme ? D’ailleurs, l’amour feint est plus parfait que l’amour véritable : voilà pourquoi tant de femmes s’y trompent ! Il a dû rompre alors avec quelques maitresses, et délier le cœur, c’est déchainer la langue.

LE DUC.

Prenez garde ! votre mission n’est pas ordinaire, n’y mêlez point de femmes : une indiscrétion vous aliénerait ma bienveillance, car tout ce qui regarde M. de Frescas doit mourir entre vous et moi. Le secret que je vous demande est absolu, il comprend ceux que vous employez et ceux qui vous emploient. Enfin, vous seriez perdu, si madame de Montsorel pouvait soupçonner une seule de vos démarches.

SAINT-CHARLES.

Madame de Montsorel s’intéresse donc à ce jeune homme ? Dois-je la surveiller, car cette fille est sa femme de chambre.

LE DUC.

Monsieur le chevalier de Saint-Charles, l’ordonner est indigne de moi, le demander est bien peu digne de vous.

SAINT-CHARLES.

Monsieur le duc, nous nous comprenons parfaitement. Quel est maintenant l’objet principal de mes recherches ?

LE DUC.

Sachez si Raoul de Frescas est le vrai nom de ce jeune homme ; sachez le lieu de sa naissance, fouillez toute sa vie, et tenez tout ceci pour un secret d’État.

SAINT-CHARLES.

Je ne vous demande que jusqu’à demain, Monseigneur.

LE DUC.

C’est peu de temps.

SAINT-CHARLES.

Non, monsieur le duc, c’est beaucoup d’argent.