Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que par des femmes, car les hommes devinent-ils jamais de pareilles tortures ? qu’avais-je demandé ? bien peu ! le savoir là, près de moi, sans autre plaisir qu’un regard furtif de temps en temps. Je ne voulais que cette certitude d’être attendue… certitude qui nous suffit, à nous autres pour qui l’amour pur, céleste, est un rêve irréalisable. Les hommes ne se croient aimés que quand ils nous ont fait tomber dans la fange ! et voilà comme il me récompense ! il a des rendez-vous la nuit avec cette sotte de fille ! Eh bien ! il va prononcer mon arrêt de mort en face ; et, s’il en a le courage, j’aurai celui de les désunir à jamais, à l’instant ; j’en ai trouvé le moyen… Ah ! le voici ! je me sens défaillir ! Mon Dieu ! pourquoi nous faites-vous donc tant aimer un homme qui ne nous aime plus !


Scène II.

FERDINAND, GERTRUDE.
GERTRUDE.

Hier, vous me trompiez. Vous êtes venu cette nuit, ici, par ce salon, avec une fausse clef, voir Pauline, au risque de vous faire tuer par M. de Grandchamp ! Oh ! épargnez-vous un mensonge. Je vous ai vu, j’ai surpris Pauline au retour de votre promenade nocturne. Vous avez fait un choix dont je ne puis pas vous féliciter. Si vous aviez pu nous entendre hier, à cette place ! voir l’audace de cette fille, le front avec lequel elle m’a tout nié, vous trembleriez pour votre avenir, cet avenir qui m’appartient, et pour lequel j’ai vendu corps et âme.

FERDINAND, à part.

L’avalanche des reproches ! (Haut.) Tâchons, Gertrude, de nous conduire sagement l’un et l’autre. Évitons surtout les vulgarités… Jamais je n’oublierai ce que vous avez été pour moi ; je vous aime encore d’une amitié sincère, dévouée, absolue ; mais je n’ai plus d’amour.

GERTRUDE.

Depuis dix-huit mois ?

FERDINAND.

Depuis trois ans.