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ACTE TROISIÈME

Un salon chez Raoul de Frescas.


Scène PREMIÈRE

LAFOURAILLE, seul.

Feu mon digne père, qui me recommandait de ne voir que la bonne compagnie, aurait-il été content hier ? toute la nuit avec des valets de ministres, des chasseurs d’ambassade, des cochers de prince, de ducs et pairs, rien que cela ! tous gens bien posés, à l’abri du malheur : ils ne volent que leurs maîtres. Le nôtre a dansé avec un beau brin de fille dont les cheveux étaient saupoudrés d’un million de diamants, et il ne faisait attention qu’au bouquet qu’elle avait à sa main ; simple jeune homme, va ! nous aurons de l’esprit pour toi. Notre vieux Jacques Collin… Bon ! me voilà encore pris, je ne peux pas me faire à ce nom de bourgeois, M. Vautrin y mettra bon ordre. Avant peu les diamants et la dot prendront l’air, et ils en ont besoin : toujours dans les mêmes coffres, c’est contre les lois de la circulation. Quel gaillard ! il vous pose un jeune homme qui a des moyens. — Il est gentil, il gazouille très-bien, l’héritière s’y prend, le tour est fait, et nous partagerons. Ah ! ce sera de l’argent bien gagné. Voilà six mois que nous y sommes. Avons-nous pris des figures d’imbéciles ! enfin tout le monde dans le quartier nous croit de bonnes gens tout simples. Enfin, pour Vautrin que ne ferait-on pas ? Il nous a dit : « Soyez vertueux, » on l’est. J’en ai peur comme de la gendarmerie, et cependant je l’aime encore plus que l’argent

VAUTRIN, appelant dans la coulisse.

Lafouraille ?