Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/50

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déjà donné. Je me vois une existence honnête pour le reste de mes jours, je suis faible. Mon Blondet fait fusiller le vicomte comme espion, et nous fait mettre en prison, mon oncle et moi, comme complices. Nous n’en sommes sortis qu’en regorgeant tout mon or.

VAUTRIN.

Voilà comment on apprend à connaître le cœur humain. Tu avais affaire à plus fort que toi.

LAFOURAILLE.

Peut ! il m’a laissé en vie, un vrai finassier.

VAUTRIN.

En voilà bien assez ! Il n’y a rien pour moi dans ton histoire.

LAFOURAILLE.

Je peux m’en aller ?

VAUTRIN.

Ah çà ! tu éprouves bien vivement le besoin d’être là où je ne suis pas. Tu as été dans le monde, hier ; t’y es-tu bien tenu ?

LAFOURAILLE.

Il se disait des choses si drôles sur les maîtres, que je n’ai pas quitté l’antichambre.

VAUTRIN.

Je t’ai cependant vu rôdant près du buffet, qu’as-tu pris ?

LAFOURAILLE.

Rien… Ah si, un petit verre de vin de Madère.

VAUTRIN.

Où as-tu mis les douze couverts de vermeil que tu as consommés avec le petit verre ?

LAFOURAILLE.

Du vermeil ! J’ai beau chercher, je ne trouve rien de semblable dans ma mémoire.

VAUTRIN.

Eh bien tu les trouveras dans ta paillasse. Et Philosophe a-t-il eu aussi ses petites distractions ?

LAFOURAILLE.

Oh ! ce pauvre Philosophe, depuis ce matin, se moque-t-on assez de lui en bas ? Figurez-vous, il avise un cocher très-jeune, et il lui découd ses galons. En dessous, c’est tout faux ! Les maîtres, aujourd’hui, volent la moitié de leur considération. On n’est plus sûr de rien, ça fait pitié.

VAUTRIN, il siffle.

Ça n’est pas drôle de prendre comme ça ? Vous allez me perdre