Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/76

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VAUTRIN.

Vous êtes nobles et Espagnoles, je compte sur votre parole.

LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.

Je vais recommander à mes gens de se taire.

VAUTRIN.

Pas un mot ; réclamer leur silence, c’est souvent provoquer leur indiscrétion. Je réponds des miens. J’avais pris l’engagement de vous donner à mon arrivée des nouvelles de M. de Christoval, et voici ma première visite.

LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.

Parlez-nous promptement de mon mari, général ! Où se trouve-t-il ?

VAUTRIN.

Le Mexique, Madame, est devenu ce qu’il devait être tôt ou tard, un État indépendant de l’Espagne. Au moment où je parle, il n’y a plus un seul Espagnol, il ne s’y trouve plus que des Mexicains.

LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.

En ce moment ?

VAUTRIN.

Tout se fait en un moment pour qui ne voit pas les causes. Que voulez-vous ? Le Mexique éprouvait le besoin de son indépendance, il s’est donné un empereur ! Cela peut surprendre encore, rien cependant de plus naturel : partout les principes peuvent attendre, partout les hommes sont pressés.

LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.

Qu’est-il donc arrivé à M. de Christoval ?

VAUTRIN.

Rassurez-vous, Madame, il n’est pas empereur. Monsieur le duc a failli, par une résistance désespérée, maintenir le royaume sous l’obéissance de Ferdinand VII.

LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.

Mais, Monsieur, mon mari n’est pas militaire.

VAUTRIN.

Non, sans doute ; mais c’est un habile courtisan, et c’était bien joué. En cas de succès, il rentrait en grâce. Ferdinand ne pouvait se dispenser de le nommer vice-roi.

LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.

Dans quel siècle étrange vivons-nous ?

VAUTRIN.

Les révolutions se succèdent et ne se ressemblent pas. Partout