Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/584

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frappèrent Contenson d’épouvante, de venger mon pauvre Peyrade ! Je découvrirai les auteurs de sa mort et ceux de la honte de sa fille !… Et, par mon propre égoïsme, par le peu de jours qui me restent, et que je risque dans cette vengeance, tous ces gens-là finiront leurs jours à quatre heures, en pleine santé, rasés, net, en place de Grève !…

— Et je vous y aiderai ! dit Contenson ému.

Rien n’est en effet plus émouvant que le spectacle de la passion chez un homme froid, compassé, méthodique, en qui, depuis vingt ans, personne n’avait aperçu le moindre mouvement de sensibilité. C’est la barre de fer en fusion, qui fond tout ce qu’elle rencontre. Aussi Contenson eut-il une révolution d’entrailles.

— Pauvre père Canquoëlle, reprit-il en regardant Corentin, il m’a souvent régalé… Et tenez… — il n’y a que des gens vicieux qui sachent faire de ces choses-là, — souvent il m’a donné dix francs pour aller au jeu…

Après cette oraison funèbre, les deux vengeurs de Peyrade allèrent chez Lydie en entendant Katt et le médecin de la Mairie dans les escaliers.

— Va chez le commissaire de police, dit Corentin, le procureur du roi ne trouverait pas en ceci les éléments d’une poursuite ; mais nous allons faire faire un rapport à la Préfecture, ça pourra servir peut-être à quelque chose. — Monsieur, dit Corentin au médecin de la Mairie, vous allez trouver dans cette chambre un homme mort ; je ne crois pas sa mort naturelle, vous ferez l’autopsie en présence de monsieur le commissaire de police, qui, sur mon invitation, va venir. Tâchez de découvrir les traces du poison ; vous serez d’ailleurs assisté dans quelques instants de messieurs Desplein et Bianchon, que j’ai mandés pour examiner la fille de mon meilleur ami dont l’état est pire que celui du père, quoiqu’il soit mort…

— Je n’ai pas besoin, dit le médecin de la Mairie, de ces messieurs pour faire mon métier…

— Ah ! bon, pensa Corentin. — Ne nous heurtons pas, monsieur, reprit Corentin. En deux mots, voici mon opinion. Ceux qui viennent de tuer le père ont aussi déshonoré la fille.

Au jour, Lydie avait fini par succomber à sa fatigue ; elle dormait quand l’illustre chirurgien et le jeune médecin arrivèrent. Le