Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/203

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— Ah, çà ! mais c’est dans les Pyrénées ?… demanda le jeune homme devenu sérieux.

— Oui, dit Gazonal.

— Et vous ne votez pas pour nous dans les élections ?… dit l’homme d’État en regardant Gazonal.

— Non ; mais, après ce que vous venez de dire devant moi, vous m’avez corrompu ; foi de commandant de la garde nationale, je vous fais nommer votre candidat…

— Eh bien, peux-tu garantir encore ton cousin ?… demanda le jeune homme à Léon.

— Nous le formons… dit Bixiou d’un ton profondément comique.

— Eh bien, je verrai… dit ce personnage en quittant ses amis et retournant avec précipitation à la salle des séances.

— Ah çà ! qui est-ce ? demanda Gazonal.

— Eh bien, le comte de Rastignac, le ministre dans le département de qui se trouve ton affaire…

— Un ministre !… c’est pas plus que cela ?

— Mais c’est un vieil ami à nous. Il a trois cent mille livres de rentes, il est pair de France, le roi l’a fait comte, c’est le gendre de Nucingen, et c’est un des deux ou trois hommes d’État enfantés par la révolution de juillet ; mais le pouvoir l’ennuie quelquefois, et il vient rire avec nous…

— Ah çà, cousin, tu ne nous avais pas dit que tu étais de l’Opposition là-bas ?… demanda Léon en prenant Gazonal par le bras. Es-tu bête ? Qu’il y ait un député de plus ou de moins à gauche ou à droite, cela te met-il dans de meilleurs draps ?…

— Nous sommes pour les autres…

— Laissez-les, dit Bixiou tout aussi comiquement que l’eût dit Monrose, ils ont pour eux la Providence, elle les ramènera bien sans vous et malgré eux… Un fabricant doit être fataliste.

— Bon ! voilà Maxime avec Canalis et Giraud ! s’écria Léon.

— Venez, ami Gazonal, les acteurs promis arrivent en scène, lui dit Bixiou.

Et tous trois ils s’avancèrent vers les personnages indiqués qui paraissaient quasi désœuvrés.

— Vous a-t-on envoyé promener, que vous allez comme ca ?… dit Bixiou à Giraud.

— Non : on vote au scrutin secret, répondit Giraud.