Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/294

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— Ils sont en route pour Paris, ils y entreront ce matin, dit la comtesse quand il eut fini.

— Perdus ! s’écria Michu. Vous comprenez que les entrants et les sortants seront surveillés aux Barrières. Malin a le plus grand intérêt à laisser mes maîtres se bien compromettre pour les tuer.

— Et moi qui ne sais rien du plan général de l’affaire ! s’écria Laurence. Comment prévenir Georges, Rivière et Moreau ? où sont-ils ? Enfin ne songeons qu’à mes cousins et aux d’Hauteserre, rejoignez-les à tout prix.

— Le télégraphe va plus vite que les meilleurs chevaux, dit Michu, et de tous les nobles fourrés dans cette conspiration, vos cousins seront les mieux traqués ; si je les retrouve, il faut les loger ici, nous les y garderons jusqu’à la fin de l’affaire ; leur pauvre père avait peut-être une vision en me mettant sur la piste de cette cachette : il a pressenti que ses fils s’y sauveraient !

— Ma jument vient des écuries du comte d’Artois, elle est née de son plus beau cheval anglais, mais elle a fait trente-six lieues, elle mourrait sans vous avoir porté au but, dit-elle.

— Le mien est bon, dit Michu, et si vous avez fait trente-six lieues, je ne dois en avoir que dix-huit à faire ?

— Vingt-trois, dit-elle, car depuis cinq heures ils marchent ! Vous les trouverez au-dessus de Lagny, à Coupvrai d’où ils doivent au petit jour sortir déguisés en mariniers ; ils comptent entrer à Paris sur des bateaux. Voici, reprit-elle en ôtant de son doigt la moitié de l’alliance de sa mère, la seule chose à laquelle ils ajouteront foi, je leur ai donné l’autre moitié. Le garde de Coupvrai, le père d’un de leurs soldats, les cache cette nuit dans une baraque abandonnée par des charbonniers, au milieu des bois. Ils sont huit en tout. Messieurs d’Hauteserre et quatre hommes sont avec mes cousins.

— Mademoiselle, on ne courra pas après les soldats, ne nous occupons que de messieurs de Simeuse, et laissons les autres se sauver comme il leur plaira. N’est-ce pas assez que de leur crier : Casse-cou ?

— Abandonner les d’Hauteserre ? Jamais ! dit-elle. Ils doivent périr ou se sauver tous ensemble !

— De petits gentilshommes ? reprit Michu.

— Ils ne sont que chevaliers, répondit-elle, je le sais mais ils se sont alliés aux Cinq-Cygne et aux Simeuse. Ramenez donc mes