Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/44

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ainsi qu’on l’a vu, entre la Souricière et la Sixième chambre comme un poste d’observation par où tout le monde est obligé de passer.

— Demandez donc à ces messieurs si monsieur Camusot est venu ! dit-elle en observant les gendarmes qui jouaient aux cartes.

— Oui, madame, il vient de monter de la Souricière…

— La Souricière ! dit-elle. Qu’est-ce que c’est… Oh ! suis-je bête de ne pas être allée tout droit chez le comte de Grandville… Mais je n’ai pas le temps… Menez-moi, monsieur, parler à monsieur Camusot avant qu’il ne soit occupé.

— Oh ! madame, vous avez bien le temps de parler à monsieur Camusot, dit Massol. En lui faisant passer votre carte, il vous évitera le désagrément de faire antichambre avec les témoins… On a des égards au Palais pour les femmes comme vous… Vous avez des cartes…

En ce moment Asie et son avocat se trouvaient précisément devant la fenêtre du corps de garde d’où les gendarmes peuvent voir le mouvement du guichet de la Conciergerie. Les gendarmes, nourris dans le respect dû aux défenseurs de la veuve et de l’orphelin, connaissant d’ailleurs les privilèges de la robe, tolérèrent pour quelques instants la présence d’une baronne accompagnée d’un avocat. Asie se laissait raconter par le jeune avocat les épouvantables choses qu’un jeune avocat peut dire sur le Guichet. Elle refusa de croire qu’on fît la toilette aux condamnés à mort derrière les grilles qu’on lui désignait ; mais le brigadier le lui affirma.

— Comme je voudrais voir cela !… dit-elle.

Elle resta là coquetant avec le brigadier et son avocat jusqu’à ce qu’elle vît Jacques Collin, soutenu par deux gendarmes et précédé de l’huissier de monsieur Camusot sortant du Guichet.

— Ah ! voilà l’aumônier des prisons qui vient sans doute de préparer un malheureux…

— Non, non, madame la baronne, répondit le gendarme. C’est un prévenu qui vient à l’instruction.

— Et de quoi donc est-il accusé ?

— Il est impliqué dans cette affaire d’empoisonnement…

— Oh ! je voudrais bien le voir…

— Vous ne pouvez pas rester ici, dit le brigadier, car il est au secret, et va traverser notre corps de garde. Tenez, madame, cette porte donne sur l’escalier…