Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/289

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— Où est cette lettre ?

M. Corentin l’a prise.

— Corentin ! Ah ! je comprends tout, il a fait la lettre, et m’a trompée comme il trompe, avec un art diabolique.

Après avoir jeté un cri perçant, elle alla tomber sur le sopha, et un déluge de larmes sortit de ses yeux. Le doute comme la certitude était horrible. Le marquis se précipita aux pieds de sa maîtresse, la serra contre son cœur en lui répétant dix fois ces mots, les seuls qu’il pût prononcer : — Pourquoi pleurer, mon ange ? où est le mal ? Tes injures sont pleines d’amour. Ne pleure donc pas, je t’aime ! je t’aime toujours.

Tout à coup il se sentit presser par elle avec une force surnaturelle, et, au milieu de ses sanglots — Tu m’aimes encore ?… dit-elle.

— Tu en doutes, répondit-il d’un ton presque mélancolique.

Elle se dégagea brusquement de ses bras et se sauva, comme effrayée et confuse, à deux pas de lui.

— Si j’en doute ?… s’écria-t-elle.

Elle vit le marquis souriant avec une si douce ironie, que les paroles expirèrent sur ses lèvres. Elle se laissa prendre par la main et conduire jusque sur le seuil de la porte. Marie aperçut au fond du salon un autel dressé à la hâte pendant son absence. Le prêtre était en ce moment revêtu de son costume sacerdotal. Des cierges allumés jetaient sur le plafond un éclat aussi doux que l’espérance. Elle reconnut, dans les deux hommes qui l’avaient saluée, le comte de Bauvan et le baron du Guénic, deux témoins choisis par Montauran.

— Me refuseras-tu toujours ? lui dit tout bas le marquis.

À cet aspect elle fit tout à coup un pas en arrière pour regagner sa chambre, tomba sur les genoux, leva les mains vers le marquis et lui cria : — Ah ! pardon ! pardon ! pardon !

Sa voix s’éteignit, sa tête se pencha en arrière, ses yeux se fermèrent, et elle resta entre les bras du marquis et de Francine comme si elle eût expiré. Quand elle ouvrit les yeux, elle rencontra le regard du jeune chef, un regard plein d’une amoureuse bonté.

— Marie, patience ! cet orage est le dernier, dit-il.

— Le dernier ! répéta-t-elle.

Francine et le marquis se regardèrent avec surprise, mais elle leur imposa silence par un geste.