Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/291

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ment exigé par la République, ne répandait à travers la tempête que des paroles de paix. Il n’attisait pas, comme l’avait fait l’abbé Gudin, le feu de l’incendie ; mais il s’était, avec beaucoup d’autres, voué à la dangereuse mission d’accomplir les devoirs du sacerdoce pour les âmes restées catholiques. Afin de réussir dans ce périlleux ministère, il usait de tous les pieux artifices nécessités par la persécution, et le marquis n’avait pu le trouver que dans une de ces excavations qui, de nos jours encore, portent le nom de la cachette du prêtre. La vue de cette figure pâle et souffrante inspirait si bien la prière et le respect, qu’elle suffisait pour donner à cette salle mondaine l’aspect d’un saint lieu. L’acte de malheur et de joie était tout prêt. Avant de commencer la cérémonie, le prêtre demanda, au milieu d’un profond silence, les noms de la fiancée.

— Marie-Nathalie, fille de mademoiselle Blanche de Castéran, décédée abbesse de Notre-Dame de Sées et de Victor-Amédée, duc de Verneuil.

— Née ?

— À La Chasterie, près d’Alençon.

— Je ne croyais pas, dit tout bas le baron au comte, que Montauran ferait la sottise de l’épouser ! La fille naturelle d’un duc, fi donc !

— Si c’était du roi, encore passe, répondit le comte de Bauvan en souriant, mais ce n’est pas moi qui le blâmerai ; l’autre me plaît, et ce sera sur cette Jument de Charrette que je vais maintenant faire la guerre. Elle ne roucoule pas, celle-là !…

Les noms du marquis avaient été remplis à l’avance, les deux amants signèrent et les témoins après. La cérémonie commença. En ce moment, Marie entendit seule le bruit des fusils et celui de la marche lourde et régulière des soldats qui venaient sans doute relever le poste de Bleus qu’elle avait fait placer dans l’église. Elle tressaillit et leva les yeux sur la croix de l’autel.

— La voilà une sainte, dit tout bas Francine.

— Qu’on me donne de ces saintes-là, et je serai diablement dévot, ajouta le comte à voix basse.

Lorsque le prêtre fit à mademoiselle de Verneuil la question d’usage, elle répondit par un oui accompagné d’un soupir profond. Elle se pencha à l’oreille de son mari et lui dit : — Dans peu vous saurez pourquoi je manque au serment que j’avais fait de ne jamais vous épouser.