Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/403

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pour servir de clôture, pas assez pour dérober la vue du pays. La maison, bâtie en briques et couverte d’un toit plat qui débordait de quelques pieds, faisait dans le paysage un effet charmant à voir. Elle était composée d’un rez-de-chaussée et d’un premier étage à porte et contrevents peints en vert. Exposée au midi, elle n’avait ni assez de largeur ni assez de profondeur pour avoir d’autres ouvertures que celles de la façade, dont l’élégance rustique consistait en une excessive propreté. Suivant la mode allemande, la saillie des auvents était doublée de planches peintes en blanc. Quelques acacias en fleur et d’autres arbres odoriférants, des épines roses, des plantes grimpantes, un gros noyer que l’on avait respecté, puis quelques saules pleureurs plantés dans les ruisseaux s’élevaient autour de cette maison. Derrière se trouvait un gros massif de hêtres et de sapins, large fond noir sur lequel cette jolie bâtisse se détachait vivement. En ce moment du jour l’air était embaumé par les différentes senteurs de la montagne et du jardin de la Fosseuse. Le ciel, pur et tranquille, était nuageux à l’horizon. Dans le lointain, les cimes commençaient à prendre les teintes de rose vif que leur donne souvent le coucher du soleil. À cette hauteur la vallée se voyait tout entière, depuis Grenoble jusqu’à l’enceinte circulaire des rochers, au bas desquels est le petit lac que Genestas avait traversé la veille. Au-dessus de la maison et à une assez grande distance, apparaissait la ligne de peupliers qui indiquait le grand chemin du bourg à Grenoble. Enfin le bourg, obliquement traversé par les lueurs du soleil, étincelait comme un diamant en réfléchissant par toutes ses vitres de rouges lumières qui semblaient ruisseler.

À cet aspect, Genestas arrêta son cheval, montra les fabriques de la vallée, le nouveau bourg, et la maison de la Fosseuse , et dit en soupirant : — Après la victoire de Wagram et le retour de Napoléon aux Tuileries en 1815, voilà ce qui m’a donné le plus d’émotions. Je vous dois ce plaisir, monsieur, car vous m’avez appris à connaître les beautés qu’un homme peut trouver à la vue d’un pays.

— Oui, dit le médecin en souriant, il vaut mieux bâtir des villes que de les prendre.

— Oh ! monsieur, Wagram et la reddition de Mantoue ! Mais vous ne savez donc pas ce que c’est ! N’est-ce pas notre gloire à tous ? Vous êtes un brave homme, mais Napoléon aussi était un bon homme ; sans l’Angleterre, vous vous seriez entendus tous deux,