Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/542

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de la ville attendait la noce à la cathédrale, où l’Evêque, connaissant la piété des Sauviat, daignait marier Véronique. La mariée fut trouvée généralement laide. Elle entra dans son hôtel, et y marcha de surprise en surprise. Un dîner d’apparat devait précéder le bal, auquel Graslin avait invité presque tout Limoges. Le dîner, donné à l’Evêque, au Préfet, au Président de la Cour, au Procureur-général, au Maire, au Général, aux anciens patrons de Graslin et à leurs femmes, fut un triomphe pour la mariée qui, semblable à toutes les personnes simples et naturelles, montra des grâces inattendues. Aucun des mariés ne savait danser, Véronique continua donc de faire les honneurs de chez elle, et se concilia l’estime, les bonnes grâces de la plupart des personnes avec lesquelles elle fit connaissance, en demandant à Grossetête, qui se prit de belle amitié pour elle, des renseignements sur chacun. Elle ne commit ainsi aucune méprise. Ce fut pendant cette soirée que les deux anciens banquiers annoncèrent la fortune, immense en Limousin, donnée par le vieux Sauviat à sa fille. Dès neuf heures, le ferrailleur était allé se coucher chez lui, laissant sa femme présider au coucher de la mariée. Il fut dit dans toute la ville que madame Graslin était laide, mais bien faite.

Le vieux Sauviat liquida ses affaires, et vendit alors sa maison à la Ville. Il acheta sur la rive gauche de la Vienne une maison de campagne située entre Limoges et le Cluzeau, à dix minutes du faubourg Saint-Martial, où il voulut finir tranquillement ses jours avec sa femme. Les deux vieillards eurent un appartement dans l’hôtel Graslin, et dînèrent une ou deux fois par semaine avec leur fille, qui prit souvent leur maison pour but de promenade. Ce repos faillit tuer le vieux ferrailleur. Heureusement Graslin trouva moyen d’occuper son beau-père. En 1825, le banquier fut obligé de prendre à son compte une manufacture de porcelaine, aux propriétaires de laquelle il avait avancé de fortes sommes, et qui ne pouvaient les lui rendre qu’en lui vendant leur établissement. Par ses relations et en y versant des capitaux, Graslin fit de cette fabrique une des premières de Limoges ; puis il la revendit avec de gros bénéfices, trois ans après. Il donna donc la surveillance de ce grand établissement, situé précisément dans le faubourg Saint-Martial, à son beau-père qui, malgré ses soixante-douze ans, fut pour beaucoup dans la prospérité de cette affaire et s’y rajeunit. Graslin put alors conduire ses affaires en ville et n’avoir aucun souci d’une