Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/569

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sentis, après avoir joui de cette scène pendant un moment, que l’instant du départ était arrivé. Je me retirai ; mais madame de T… me suivit, en feignant d’avoir une commission à me donner. — Adieu, monsieur. Je vous dois un bien grand plaisir ; mais, je vous ai payé d’un beau rêve !… dit-elle en me regardant, avec une incroyable finesse. Mais adieu. Et pour toujours. Vous aurez cueilli une fleur solitaire née à l’écart, et que nul homme… » Elle s’arrêta, mit sa pensée dans un soupir ; mais elle réprima l’élan de cette vive sensibilité ; et, souriant avec malice : —  « La comtesse vous aime, dit-elle. Si je lui ai dérobé quelques transports, je vous rends à elle moins ignorant. Adieu, ne me brouillez pas avec mon amie. » Elle me serra la main et me quitta. »

Plus d’une fois les dames, privées de leurs éventails, rougirent en écoutant le vieillard dont la lecture prestigieuse obtint grâce pour certains détails que nous avons supprimés comme trop érotiques pour l’époque actuelle ; néanmoins il est à croire que chaque dame le complimenta particulièrement ; car quelque temps après il leur offrit à toutes, ainsi qu’aux convives masculins, un exemplaire de ce charmant récit imprimé à vingt-cinq exemplaires par Pierre Didot. C’est sur l’exemplaire nº 24 que l’auteur a copié les éléments de cette narration inédite et due, dit-on, chose étrange, à Dorat, mais qui a le mérite de présenter à la fois de hautes instructions aux maris, et aux célibataires une délicieuse peinture des mœurs du siècle dernier.

MÉDITATION XXV.

DES ALLIÉS.

De tous les malheurs que la guerre civile puisse entraîner sur un pays, le plus grand est l’appel que l’un des deux partis finit toujours par faire à l’étranger.

Malheureusement nous sommes forcés d’avouer que toutes les femmes ont ce tort immense, car leur amant n’est que le premier de leurs soldats, et je ne sache pas qu’il fasse partie de leur famille, à moins d’être un cousin.

Cette Méditation est donc destinée à examiner le degré d’assistance que chacune des différentes puissances qui influent sur la