Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/117

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— Mais mon cousin a très-bien pris ce désagrément, répondit la cousine.

— Pas possible, dit Crevel en s’arrêtant dans sa marche semblable à celle d’un balancier de pendule.

— Monsieur Hulot est d’un certain âge, fit malicieusement observer Lisbeth.

— Je le connais, reprit Crevel ; mais nous nous ressemblons sous un certain rapport : Hulot ne pourra pas se passer d’un attachement. Il est capable de revenir à sa femme, se dit-il. Ce serait de la nouveauté pour lui, mais adieu ma vengeance. Vous souriez, mademoiselle Fischer ?… ah ! vous savez quelque chose ?…

— Je ris de vos idées, répondit Lisbeth. Oui, ma cousine est encore assez belle pour inspirer des passions ; moi, je l’aimerais, si j’étais homme.

— Qui a bu, boira ! s’écria Crevel, vous vous moquez de moi ! Le baron aura trouvé quelque consolation.

Lisbeth inclina la tête par un geste affirmatif.

— Ah ! il est bien heureux de remplacer du jour au lendemain Josépha ! dit Crevel en continuant. Mais je n’en suis pas étonné, car il me disait, un soir à souper, que, dans sa jeunesse, pour n’être pas au dépourvu, il avait toujours trois maîtresses, celle qu’il était en train de quitter, la régnante et celle à laquelle il faisait la cour pour l’avenir. Il devait tenir en réserve quelque grisette dans son vivier ! dans son parc aux cerfs ! Il est très Louis XV, le gaillard ! oh ! est-il heureux d’être bel homme ! Néanmoins, il vieillit, il est marqué… il aura donné dans quelque petite ouvrière.

— Oh ! non, répondit Lisbeth.

— Ah ! dit Crevel, que ne ferais-je pas pour l’empêcher de pouvoir mettre son chapeau ! Il m’était impossible de lui prendre Josépha, les femmes de cette espèce ne reviennent jamais à leur premier amour. D’ailleurs, comme on dit, un retour n’est jamais de l’amour. Mais, cousine Bette, je donnerais bien, c’est-à-dire je dépenserais bien cinquante mille francs pour enlever à ce grand bel homme sa maîtresse et lui prouver qu’un gros père à ventre de chef de bataillon et à crâne de futur maire de Paris ne se laisse pas souffler sa dame, sans damer le pion…

— Ma situation, répondit Bette, m’oblige à tout entendre et à ne rien savoir. Vous pouvez causer avec moi sans crainte, je ne répète jamais un mot de ce qu’on veut bien me confier. Pourquoi