Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/133

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elle, a des besoins fixes ; elle passe des marchés à des prix exorbitants, calculés sur la difficulté de se procurer des vivres, sur les dangers que courent les transports. Voilà l’Algérie au point de vue vivrier. C’est un gâchis tempéré par la bouteille à l’encre de toute administration naissante. Nous ne pouvons pas y voir clair avant une dizaine d’années, nous autres administrateurs, mais les particuliers ont de bons yeux. Donc, je vous envoie y faire votre fortune ; je vous y mets, comme Napoléon mettait un maréchal pauvre à la tête d’un royaume où l’on pouvait protéger secrètement la contrebande. Je suis ruiné, mon cher Fischer. Il me faut cent mille francs dans un an d’ici…

— Je ne vois pas de mal à les prendre aux Bédouins, répliqua tranquillement l’Alsacien. Cela se faisait ainsi sous l’Empire…

— L’acquéreur de votre établissement viendra vous voir ce matin et vous comptera dix mille francs, reprit le baron Hulot. N’est-ce pas tout ce qu’il vous faut pour aller en Afrique ?

Le vieillard fit un signe d’assentiment.

— Quant aux fonds, là-bas, soyez tranquille, reprit le baron. Je toucherai le reste du prix de votre établissement d’ici, j’en ai besoin.

— Tout est à vous, même mon sang, dit le vieillard.

— Oh ! ne craignez rien, reprit le baron en croyant à son oncle plus de perspicacité qu’il n’en avait ; quant à nos affaires d’achour, votre probité n’en souffrira pas, tout dépend de l’autorité ; or, c’est moi qui ai placé là-bas l’autorité, je suis sûr d’elle. Ceci, papa Fischer, est un secret de vie et de mort ; je vous connais, je vous ai parlé sans détours ni circonlocutions.

— On ira, dit le vieillard. Et cela durera ?…

— Deux ans ! Vous aurez cent mille francs à vous pour vivre heureux dans les Vosges.

— Il sera fait comme vous voulez, mon honneur est le vôtre, dit tranquillement le petit vieillard.

— Voilà comment j’aime les hommes. Cependant, vous ne partirez pas sans avoir vu votre petite nièce heureuse et mariée, elle sera comtesse.

L’achour, la razzia des razzias et le prix donné par l’employé pour la maison Fischer ne pouvaient pas fournir immédiatement soixante mille francs pour la dot d’Hortense, y compris le trousseau, qui coûterait environ cinq mille francs, et les quarante