Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/135

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nommé Vauvinet, un de ces faiseurs qui se tiennent en avant des grosses maisons de banque, comme ce petit poisson qui semble être le valet du requin. Cet apprenti loup-cervier promit à monsieur le baron Hulot, tant il était jaloux de se concilier la protection de ce grand personnage, de lui négocier trente mille francs de lettres de change, à quatre-vingt-dix jours, en s’engageant à les renouveler quatre fois et à ne pas les mettre en circulation.

Le successeur de Fischer devait donner quarante mille francs pour obtenir cette maison, mais avec la promesse de la fourniture des fourrages dans un département voisin de Paris.

Tel était le dédale effroyable où les passions engageaient un des hommes les plus probes jusqu’alors, un des plus habiles travailleurs de l’administration napoléonienne : la concussion pour solder l’usure, l’usure pour fournir à ses passions et pour marier sa fille. Cette science de prodigalité, tous ces efforts étaient dépensés pour paraître grand à madame Marneffe, pour être le Jupiter de cette Danaé bourgeoise. On ne déploie pas plus d’activité, plus d’intelligence, plus d’audace pour faire honnêtement sa fortune que le baron en déployait pour se plonger la tête la première dans un guêpier : il suffisait aux affaires de sa division, il pressait les tapissiers, il voyait les ouvriers, il vérifiait minutieusement les plus petits détails du ménage de la rue Vanneau. Tout entier à madame Marneffe, il allait encore aux séances des Chambres, il se multipliait, et sa famille ni personne ne s’apercevait de ses préoccupations.

Adeline, stupéfaite de savoir son oncle sauvé, de voir une dot figurée au contrat, éprouvait une sorte d’inquiétude au milieu du bonheur que lui causait le mariage d’Hortense accompli dans des conditions si honorables ; mais la veille du mariage de sa fille, combiné par le baron pour coïncider avec le jour où madame Marneffe prenait possession de son appartement rue Vanneau, Hector fit cesser l’étonnement de sa femme par cette communication ministérielle.

— Adeline, voici notre fille mariée, ainsi toutes nos angoisses à ce sujet sont terminées. Le moment est venu pour nous de nous retirer du monde ; car, maintenant, à peine resterai-je trois années en place, j’achèverai le temps voulu pour prendre ma retraite. Pourquoi continuerions-nous des dépenses désormais inutiles : notre appartement nous coûte six mille francs de loyer, nous