Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/144

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trait ne corrigera personne de la manie d’aimer des anges au doux sourire, à l’air rêveur, à figures candides, dont le cœur est un coffre-fort.

Environ trois ans après le mariage d’Hortense, en 1841, le baron Hulot d’Ervy passait pour s’être rangé, pour avoir dételé, selon l’expression du premier chirurgien de Louis XV, et madame Marneffe lui coûtait cependant deux fois plus que ne lui avait coûté Josépha. Mais Valérie, quoique toujours bien mise, affectait la simplicité d’une femme mariée à un sous-chef ; elle gardait son luxe pour ses robes de chambre, pour sa tenue à la maison. Elle faisait ainsi le sacrifice de ses vanités de Parisienne à son Hector chéri. Néanmoins, quand elle allait au spectacle, elle s’y montrait toujours avec un joli chapeau, dans une toilette de la dernière élégance ; le baron l’y conduisait en voiture, dans une loge choisie.

L’appartement, qui occupait rue Vanneau tout le second étage d’un hôtel moderne sis entre cour et jardin, respirait l’honnêteté. Le luxe consistait en perses tendues, en beaux meubles bien commodes. La chambre à coucher, par exception, offrait les profusions étalées par les Jenny Cadine et les Schontz. C’était des rideaux en dentelle, des cachemires, des portières en brocart, une garniture de cheminée dont les modèles avaient été faits par Stidmann, un petit Dunkerque encombré de merveilles. Hulot n’avait pas voulu voir sa Valérie dans un nid inférieur en magnificence au bourbier d’or et de perles d’une Josépha. Les deux pièces principales, le salon et la salle à manger, avaient été meublées, l’une en damas rouge, et l’autre en bois de chêne sculpté. Mais, entraîné par le désir de mettre tout en harmonie, au bout de six mois, le baron avait ajouté le luxe solide au luxe éphémère, en offrant de grandes valeurs mobilières, comme par exemple une argenterie dont la facture dépassait vingt-quatre mille francs.

La maison de madame Marneffe acquit en deux ans la réputation d’être très-agréable. On y jouait. Valérie, elle-même, fut promptement signalée comme une femme aimable et spirituelle. On répandit le bruit, pour justifier son changement de situation, d’un immense legs que son père naturel, le maréchal Montcornet, lui avait transmis par un fidéicommis. Dans une pensée d’avenir, Valérie avait ajouté l’hypocrisie religieuse à son hypocrisie sociale. Exacte aux offices le dimanche, elle eut tous les honneurs de la piété. Elle quêta, devint dame de charité, rendit le pain bénit,